Mathieu Danel. L’homme qui voulait « connaître le sensation d’ôter la vie ».

Par Escrivan , le 8 mars 2022 , mis à jour le 3 octobre 2025 — Faits-Divers, Justice - 9 minutes de lecture

Mathieu Danel a été condamné par la cour d’assises de Nîmes (Gard), le mardi 18 janvier 2022, à la réclusion criminelle à perpétuité,
assortie d’une peine de sûreté de 22 ans, pour l’assassinat de Claire Reynier, le mardi 19 juin 2018, à Villevieille (Gard).
Il a fait appel de sa condamnation le vendredi 28 janvier 2022.

Mathieu Danel a été rejugé en appel du lundi 3 octobre 2022 au jeudi 6 octobre 2022, par la cour d’assises de Mende (Lozère).
Il a été condamné le jeudi 6 octobre 2022 à une peine de 30 ans de réclusion criminelle,
assortie d’une période de sûreté de 20 ans, ainsi qu’à une injonction de soins.

Les faits

Sommières - Gard
Sommières – Gard

C’est le mardi 19 juin 2018, en fin d’après-midi, que la route de Claire Reynier, 39 ans, et celle de Mathieu Danel, 26 ans, vont se croiser. Claire Reynier fait de l’auto-stop, à la sortie de Montélimar, dans la Drôme, afin de se rendre à Sommières, dans le Gard. L’apercevant au bord de la route, Mathieu Danel s’arrête et lui propose de l’amener à sa destination. Claire Reynier acquiesce et embarque dans le véhicule. Le courant passant bien entre les deux, Claire Reynier, une fois rendue à destination, environ 1 h 30 plus tard, propose alors à Mathieu Danel de lui faire visiter la ville, ce qu’il accepte. Aux alentours de 22 heures, après avoir dîné ensembles dans un restaurant du centre-ville, ils se rendent à Villevieille, petite commune proche de Sommières, pour une balade en forêt. C’est alors qu’il regagne son véhicule, garé en lisière de cette même forêt, que Mathieu Danel bascule :

« J’étais prêt à partir et je lui ai proposé de l’amener à l’hôtel. Elle a refusé en me disant qu’elle voulait rester là. J’ai été surpris parce que nous étions en pleine nuit, au milieu de nulle part. C’est en retournant à mon véhicule que je me suis dit que c’était un endroit isolé et désert, et que c’était l’occasion de tuer. Je me suis emparé d’une dague que je conservais en permanence dans mon véhicule au cas où l’occasion se présenterait. Quand elle a vu la dague dans ma main, elle m’a dit qu’elle ne voulait pas mourir. Je lui ai répondu que ça n’avait rien de personnel. Je l’ai alors frappée plusieurs fois à la carotide, à la tête, au cœur. Quand j’ai pensé qu’elle était morte, je suis reparti. On ne peut pas savoir si on aime un plat avant d’y avoir goûté. J’ai trouvé ça très neutre. ».

2 jours plus tard, le jeudi 21 juin 2018, vers 17 heures, Mathieu Danel se présente, souriant, au commissariat de Montélimar, pour « souhaiter s’accuser d’un crime ». Le corps de Claire Reynier est retrouvé, sur ses indications, en lisière de la forêt de Villevieille. L’autopsie conclura que Claire Reynier a été tuée de 17 coups de dagues, et que ses fractures et ses blessures aux mains « indiquent qu’elle a tout fait pour survivre ».

 

L'enquête et le procès

Gandarmerie de Vauvert - Gard
Gendarmerie de Vauvert – Gard

C’est au cours de l’enquête, menée par la brigade de recherche de Vauvert, et du procès devant la cour d’assises de Nîmes, dans le Gard, que se révèle l’étrange personnalité de Mathieu Danel. Au cours de sa garde à vue, les enquêteurs notent qu’il n’a « ni pitié, ni remords par rapport à son geste. Son seul regret est qu’en la tuant, cela ne lui a pas procuré de plaisir, contrairement à ce qu’il avait imaginé », ainsi « qu’une froideur extrême » lorsqu’il explique qu’il « voulait connaître la sensation d’ôter la vie. ». Mathieu Danel déclare également, pendant cette même garde à vue, ne pas se souvenir du prénom de sa victime, qu’il ne décrit physiquement que laconiquement. Lors de la perquisition à son domicile, du matériel informatique contenant des fichiers ultra-violents et indescriptibles est également découvert. Selon son avocat, Me Arnal : « Mathieu Danel s’est enfermé dans un personnage virtuel. Sa vie sociale se faisait surtout en ligne. ».

Au cours du procès, Mathieu Danel reste aussi impassible que lors de sa garde à vue « Sur le moment, j’étais dans un tunnel, concentré sur le décès, j’ai frappé sans faire attention […] elle ou une autre, c’était pareil ». Selon les 3 experts-psychiatres qui l’ont examiné, même si Mathieu Danel présente « un trouble aux moments des faits, une légère altération de son discernement », il ne souffre d’aucune pathologie mentale. L’un d’eux explique également : « Ce passage à l’acte représente pour lui un aboutissement, une marque de sa saugrenuité, une forme de réalisation. Pour lui, être passé à l’acte est plus important que les conséquences de ce même passage à l’acte, ce qui peut expliquer son absence d’empathie pour sa victime et ses proches. ». Un de ces experts conclura : « Un jeune homme solitaire qui surinvestit dans le net par rapport au réel. La clef est dans l’imaginaire : qu’est-ce que ça fait de tuer quelqu’un ? ».

La condamnation

Palais de justice de Nîmes - Gard
Palais de justice de Nîmes – Gard

C’est donc le mardi 19 juin 2018, à la fin de sa soirée avec Claire Reynier, que Mathieu Danel va répondre à cette dernière question. Et la réponse fut tragique et pas « neutre » du tout. Les derniers mots de Mathieu Danel avant que le jury ne se retire pour délibérer seront les suivants : « Ça ne tourne pas rond chez moi. Je cherche quelque chose à dire à Claire et à sa famille, je ne sais pas quoi dire. Je n’ai pas choisi d’être qui je suis, j’ai choisi de faire ce que j’ai fait. ».

Environ 1 h 30 plus tard, le jury déclare Mathieu Danel coupable de meurtre avec préméditation et le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.

L'appel

Palais de justice - Lozère
Palais de justice de Mende (Lozère)
Cour d’appel de Nîmes (Gard)

Le vendredi 28 janvier 2022, Mathieu Danel a fait appel de sa condamnation. Selon son avocat, Me Arnal : « Le premier élément discutable, c’est la préméditation. Et puis le second point, extrêmement important, c’est qu’il s’est rendu de lui-même deux jours après les faits, à un moment même où le corps n’avait pas été retrouvé, et où personne ne savait que cette malheureuse personne avait disparue. Si vous condamnez quelqu’un à la peine maximale alors même qu’il s’est rendu de lui-même, le message que vous pouvez adresser au public c’est aussi ne venez pas avouer vos crimes, il n’y a aucun intérêt à le faire, parce que même si vous le faites, de toute façon, on vous condamnera à la peine maximale. »

Mathieu Danel a été rejugé en appel du lundi 3 octobre 2022 au jeudi 6 octobre 2022, par la cour d’assises de Mende (Lozère). Il a été condamné le jeudi 6 octobre 2022 à une peine de 30 ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté de 20 ans, ainsi qu’à une injonction de soins.

« - À lui la matière, à moi l’esprit. ».

Ce texte est un texte libre de l’auteur de l’article et ne reflète pas des propos personnels de Mathieu Danel.

« – À lui la matière, à moi l’esprit. ». C’est ainsi que je décrirais notre duo criminel. Il ne me quitte jamais. Il est toujours là, quelque part dans ma tête. Parfois silencieux, mais toujours là. Je sens sa présence permanente en arrière-plan de ma réalité quotidienne. Je ne peux pas exactement déterminer le moment où il est entré, ou bien s’il a toujours été là, je ne le sais pas. Mais ce que je sais déjà, c’est qu’il n’est pas sorti, qu’il ne sortira jamais, et qu’il restera en moi. Il a développé une obsession pour la mort, infliger la mort, comme pour se prouver qu’il est lui-même vivant. Quand j’ai vu Claire se changer devant la voiture, je pense que cela a été le déclencheur pour lui. Toutes les conditions étaient réunies. Cela, c’est moi qui le déterminais. Nous étions seuls, dans les bois, dans le noir, il était tard. Le scénario que j’avais lentement construit devenait brutalement réel. Quand j’ai eu fini de me dire «  – Tout est prêt, si ça doit arriver, c’est maintenant. ». Il a pris le relais. Il est allé chercher le couteau la dague de chasse dans la voiture et il l’a frappé avec sur tout le corps. 17 fois. Je savais ce qui était en train de se passer, je savais qu’il était en train de poignarder Claire, mais je n’arrivais pas à l’arrêter. Je le laissais faire. Je ne ressentais rien. Ni joie, ni peine, ni excitation. Le vide émotionnel. Il faisait noir. Le sang est noir dans le noir. Je le regardais la frapper avec la dague partout sur le corps et je la regardais mourir. Je lui ai seulement dit avant qu’elle ne meure : « – Ça n’a rien de personnel. ». Je voulais connaître la sensation d’ôter la vie et il me permettait, du moins le croyais-je à cet instant, d’y accéder . C’était une sorte de deal entre nous deux. À lui l’acte, à moi la sensation. Au jour d’aujourd’hui, le deal n’est pas rompu, si l’occasion se présentait, nous recommencerions comme avec Claire : je préparerais le scénario, puis une fois que je me dirais « – Tout est en place, c’est maintenant. », je lui laisserais la place. Ce crime nous a rapprochés, il a créé un lien indéfectible entre-nous. Il sait que je veux connaître la sensation d’ôter la vie, je sais qu’il veut encore ôter la vie. Je ne suis pas devenu lui, il n’est pas devenu moi. Nous sommes seulement devenus indissociables, y compris pour nous-mêmes. Nous nous comprenons mieux. Je l’ai entendu approcher le dimanche 5 juillet 2020. J’étais en seg, j’ai prévenu les gardiens qu’il était là, et qu’il voulait tuer. J’avais fabriqué un jarret avec un morceau de plastique. Je voulais connaître la sensation de tuer mon voisin de cellule. 1 heure plus tard environ, je me suis dit « – Tout est en place, c’est maintenant. », et il s’est jeté sur lui ! Ça ne finira jamais. Je ne sais pas si de lui-même il pourra arrêter d’ôter la vie un jour, mais je ne pourrais pas l’empêcher tant que je n’aurais rien ressenti en ôtant la vie. Je n’ai pas vraiment de remords concernant ces actes puisque c’est lui qui les commet. Moi, je regrette surtout de ne rien ressentir. Et cela continuera tant que je n’aurai rien ressenti, tant que j’aurai l’envie de connaître la sensation d’ôter la vie, et tant que lui aura envie d’ôter la vie tout court. »

FIN

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